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7"La tragédie espagnole est un charnier. Toutes les erreurs dont l'Europe achève de mourir et qu'elle essaie de dégorger dans d'effroyables convulsions viennent y pourrir ensemble. Impossible d'y mettre la main sans risquer une septicémie. On voit monter tour à tour à la surface du pus bouillonnant des visages jadis, hélas ! familiers, à présent méconnaissables et qui dès qu'on essaie de les fixer du regard s'effacent et coulent comme des cires. Sincèrement, je ne crois pas utile de tirer de là aucun de ces cadavres. Pour désinfecter un tel cloaque - image de ce que sera demain le monde - il faudrait d'abord agir sur les causes de fermentation." - G. Bernanos.Pamphlet prophétique composé sous les feux de la guerre civile espagnole en 1938, cette charge violente contre les répressions franquistes et l'attitude complice du clergé espagnol à cette époque est aussi, et surtout, un témoigne saisissant de cette tragédie. Le livre, qui fit scandale à sa sortie, dénonce la folie des hommes qui massacrent au nom de Dieu et s'enferment dans une spirale de barbarie qu'il est difficile, si ce n'est impossible, de maîtriser lorsque les peuples y sombrent, aveuglés par les effets conjoints de la manipulation, de la colère et de l'imbécilité. De cette analyse produite par Bernanos, la philosophe Simone Weil dira: "Ce que vous dites du nationalisme, de la guerre, de la politique extérieure française après la guerre m'est également allé au coeur. J'avais dix ans lors du traité de Versailles. Jusque-là j'avais été patriote avec toute l'exaltation des enfants en période de guerre. La volonté d'humilier l'ennemi vaincu, qui déborda partout à ce moment (et dans les années qui suivirent) d'une manière si répugnante, me guérit une fois pour toutes de ce patriotisme naïf.