De toutes les doctrines traditionnelles, la doctrine islamique est peut-être celle où est marquée le plus nettement la distinction de deux parties complémentaires l'une de l'autre, que l'on peut désigner comme l'exotérisme et l'ésotérisme. Ce sont, suivant la terminologie arabe, es-shariyah, c'est-à-dire littéralement la « grande route , commune à tous, et el-haqîqah, c'est-à-dire la « vérité intérieure, réservée à l'élite, non en vertu d'une décision plus ou moins arbitraire, mais par la nature même des choses, parce que tous ne possèdent pas les aptitudes ou les « qualifications requises pour parvenir à sa connaissance. On les compare souvent, pour exprimer leur caractère respectivement « extérieur et « intérieur, à l'« écorce et au « noyau (el-qishr wa el-lobb), ou encore à la circonférence et à son centre. La shariyah comprend tout ce que le langage occidental désignerait comme proprement « religieux , et notamment tout le côté social et législatif qui, dans l'Islam, s'intègre essentiellement à la religion; on pourrait dire qu'elle est avant tout règle d'action, tandis que la haqîqah est connaissance pure; mais il doit être bien entendu que c'est cette connaissance qui donne à la shariyah même son sens supérieur et profond et sa vraie raison d'être, de sorte que, bien que tous ceux qui participent à la tradition n'en soient pas conscients, elle en est véritablement le principe, comme le centre l'est de la circonférence.