Le d veloppement de ce qu'on appelle la civilisation moderne tend donner aux forces mat rielles un avantage croissant sur les forces morales.

Si l'on se fie elle pour r aliser la justice sociale ou radoucissement des moeurs, on se pr pare des d ceptions consid rables Cette civilisation n' galise ni les fortunes, ni les conditions sa complexit ne cesse, au contraire, de creuser des diff rences entre les hommes. Elle n'affranchit pas l'autorit de la science et de l'industrie tendrait plut t tablir de nouvelles races d'esclaves. Enfin, loin d'apaiser et de concilier, ses n cessit s sont d'une telle rigueur qu'elles semblent couper angle droit, d truire ou renier tout ce qui est humain.

Ni le jeu de l'offre et de la demande qui constitua le capitalisme, ni le principe des nationalit s qui a cr notre paix arm e, ni la guerre de classes, par laquelle les masses insurg es r pondent au capitalisme affameur, ne sauraient r pandre dans le monde moderne une atmosph re de bergerie' Nous en serions plut t repouss s chez les loups insociaux et contraints de vivre, par cat gories de classes ou de races, selon la coutume des loups. Le vernis h r ditaire des moeurs s' caille peu peu, les survivances des traditions g n rales s'effacent et les statistiques de la criminalit montrent ce qui en d coule in vitablement.

Les diff rences de classes sont plus marqu es qu'il y a un demi-si cle, l'arrogance et le despotisme des autorit s seraient plut t en voie de grandir. Ce qui manque, c'est, dans les esprits dirigeants, cette lumi re qui est le signe de leur droit de conduire. Les chefs subsistent et leur pouvoir augmente, mais ce sont des chefs barbares livr s aux impulsions de la passion ou de l'int r t. Ils commandent, ils conduisent, car leurs troupes le veulent, mais ils commandent mal et conduisent de travers, faute d'avoir appris.

Ils sont donc, eux aussi, plus encore que ces masses prol tariennes pour lesquelles on simule un int r t si vif, ils sont de v ritables d sh rit s.

Le tr sor intellectuel et moral dont il leur appartenait de recueillir l'h ritage a t d daign et finalement s'est perdu. Ainsi en disposa l'esprit de la d mocratie lib rale qui a d sorganis le pays par en haut; empruntant la voix du progr s, feignant de poss der les promesses du lendemain, il a fait abandonner le seul instrument de progr s, qui est la tradition, et la seule semence de l'avenir, qui est le pass .