" C'est le propre des grandes choses de se laisser embrasser à des points de vue très divers et de s'élargir avec l'esprit humain lui-même, en sorte que chaque homme, selon son degré de culture, et chaque siècle, selon qu'il comprend plus ou moins profondément le passé, trouvent, pour des motifs différents, à les admirer. Quand les critiques de l'antiquité et ceux du XVIIe siècle nous font part des beautés qu'ils croient découvrir dans Homère, la puérilité de leur esthétique nous étonne; nous admirons Homère autant qu'ils le faisaient, mais pour de tout autres raisons. Quand Bossuet et M. de Chateaubriand croient admirer la Bible en admirant des contre-sens et des non-sens, la docte Allemagne a le droit de sourire, et pourtant l'admiration de Herder et d'Ewald, pour être plus éclairée, n'en est pas moins vive. Plus on envisagera le monde et le passé tels qu'ils sont, en dehors des conventions et des idées préconçues, plus on y trouvera de véritable beauté, et c'est en ce sens qu'on peut dire que la science est la première condition de l'admiration sérieuse. Jérusalem est sortie plus brillante et plus belle du travail en apparence destructeur de la science moderne; les pieux récits dont on berça notre enfance sont devenus, grâce à une saine interprétation, de hautes vérités, et c'est à nous qui voyons Israël dans sa réelle beauté, c'est à nous autres critiques qu'il appartient vraiment de dire: Stantes erant pedes nostri in atriis tuis, Jérusalem !..."